Ce matin, je me suis levé en jurant de ne pas me connecter à Facebook pendant 24 heures. La vie réelle, c'est quand même autre chose que ces réseaux sociaux qui ne font qu'agréger les solitudes avec un faux air de convivialité. J'étais très fier de cette résolution frondeuse qui laisserait certainement tout ébaubis mes très nombreux amis.
Gonflé à bloc, je suis entré dans la salle de bains. Dans le miroir, je me suis regardé avec attention. Un profil, puis l'autre. Je me suis dit : " Stéphane Méjanès n'a vraiment pas bonne mine après une soirée bien arrosée et une nuit trop courte ". Je parle de moi à la troisième personne quand j'ironise sur mon sort, ça me permet de garder les pieds sur terre.
Dans le reflet, j'ai aperçu ma femme qui passait derrière moi en levant le pouce. J'ai cru qu'elle voulait me signifier à quel point elle aimait ma lucidité. Le commentaire qui a suivi m'a cueilli à froid : " Bravo ! J'ai retrouvé ton caleçon dans le frigo. Si tu avais arrêté de boire quand je te l'ai demandé, hein ".
Mon statut de mâle dominant en a pris un coup. Je me suis retenu de la mordre sauvagement pour la transformer en zombie. Elle l'aurait mérité. Même un kiwi serait plus cool qu'elle. Si elle était une couleur, ce serait le noir.
J'ai décidé d'ignorer ce coup bas vraiment moche. Après tout, elle a dix fois moins d'amis que moi, l'aigreur est humaine.
J'ai regardé le ciel par la fenêtre. La météo était au beau fixe, mon moral aussi. J'avais la pêche ! C'était plutôt bon signe. J'avais rendez-vous pour mon futur job : informaticien. Je ne voyais pas le lien avec mon parcours mais je n'allais pas faire la fine bouche par les temps qui courent. Je suis monté dans ma Clio II en rêvant à la voiture que je m'offrirais bientôt avec mon nouveau salaire. Une Jaguar XKR ou alors une Alfa Roméo 8C Spider, ou bien une Audi TT, voire une Mini Cooper S Cabrio ou une BMW Z4 Roadster. J'étais souvent indécis dans mes choix.
Face au DRH, j'ai été parfait. Pourtant, en découvrant son air sévère et son look austère, ma première impression a été mitigée. J'ai pensé qu'il faisait partie du groupe de ceux qui rient quand ils se brûlent. Ca ne m'a pas empêché de bien répondre à 87% de ses questions. Quand il m'a demandé pour finir quels étaient mes cinq hommes politiques préférés, j'ai flairé le piège. J'ai lâché du tac au tac : Nicolas Sarkozy, Jean-François Copé, Patrick Balkany, Christian Estrosi et Eric Besson. J'ai senti qu'il était au bord de la brûlure au troisième degré, c'était dans la poche. Je lui aurais bien envoyé un bisou mais j'ai jugé que ce serait déplacé.
En sortant, j'étais comme un gosse. J'ai passé l'après-midi à flâner, à pieds ou à Vélib'. J'aurais voulu que tous les gens que je croisais deviennent mes amis. Je me suis acheté des bonbons. Des Dragibus et des Régalad à la framboise dont je suis fan. Avec mon téléphone portable, j'ai pris des photos de tout et n'importe quoi. Floues, surexposées, mal cadrées, j'adore ça, mon entourage aussi.
J'ai fini par rentrer chez moi afin d'annoncer la bonne nouvelle. Pour blaguer, j'ai lancé à ma femme : " Alors, qui a la plus grosse ? ". Elle a ri de bon coeur. J'ai cru voir dans ses yeux des poupées Diddle qui traçaient ces mots : " Je t'aime, grand fou ". Je ne vous parlerai pas de ce qui s'est passé ensuite entre elle et moi, je ne suis pas du genre à dévoiler ma vie privée.
Une chose est sûre, Facebook ne m'a pas manqué une seconde.
Texte original déposé