Le bal des actrices, de Maïwenn Le Besco
Mais comment fait-elle ? Comment ? Comment ? Comment ? Oui, je suis très énervé. Je sors du Bal des actrices et je ne tiens pas en place. Le mystère Maïwenn s’épaissit dans mon cerveau embrumé. Il s’était déjà emparé de mon esprit incrédule après la vision de son coup d’essai, Pardonnez-moi, il ne me quitte plus désormais.
Naïvement, je pensais que, la première fois, c’était comme un miracle unique, une sorte de hasard improbable, un état de grâce forcément limité dans le temps. Se mettre en scène soi-même dans sa propre vie avec de vrais acteurs professionnels qui ne donnent pas l’impression de jouer, en transgressant tous les codes usuels de la pudeur, de la bonne éducation et du manuel du bon chef opérateur, mais parvenir, malgré tous ces écueils, à sonner aussi juste qu’un accord plaqué par Glenn Gould dans les Variations Goldberg, ça ne pouvait raisonnablement n’avoir à faire qu’avec la chance du débutant.
Et puis non. La voilà qui remet ça.
Dans son deuxième film, Maïwenn est quasiment de tous les plans, confondante de naturel, irrésistible de fraîcheur, et elle obtient de ses comédiens beaucoup plus que n’importe quel réalisateur ou scénariste chevronné. On croit aux névroses de Marina Foïs, à la mégalo désespérée de Karin Viard, on imagine tout à fait que Mélanie Doutey soit une petite garce et Romane Borhinger une ravissante has been, on n’est même pas surpris quand Karole Rocher vole dans les plumes de Christine Boisson, et l’on est sévèrement troublé lorsqu’Estelle Lefébure roule un patin cosmique à la réalisatrice. Et puis, ce qu’elle fait de Joey Star, capable de se caricaturer lui-même tout en devenant un autre, est proprement hallucinant.
Au risque de choquer quelques ayatollahs de la cinéphilie, on peut difficilement s’empêcher de penser à John Cassavetes. On devrait d'ailleurs penser tous les jours à John Cassavetes. Pour peu qu’on ait un minimum de culture cinématographique et un peu de goût pour autre chose que les comédies non césarisables. Et si ça n’est pas le cas, débrouillez vous pour voir au moins Shadows, Husbands, Faces et Opening Night. Au moins.
Alors, bien sûr, Le bal des actrices est stylistiquement assez mal fagoté, scénarisé sommairement et monté à la va comme je te pousse. Le côté « lacrymal circus » peut même exaspérer, à la longue. Certains n’y verront que la bile des actrices, d'autres l'obole des actrices. Ils ont tous bien tort parce que, pour les années qui viennent, Maïwenn, c’est vraiment le bol des actrices.
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