Sentiments Provisoires, c'est la pièce dont on parle. On n'a d'ailleurs pas lésiné sur la promotion. Avec une telle affiche, Sylvie Testud, Pierre Arditi et François Berléand, on pouvait difficilement faire moins. Un texte sur mesure pour des acteurs au mieux de leur forme, ciselé par un auteur doué d'un vrai talent d'orfèvre de la nature humaine, une intrigue savamment construite, comme une pièce de musique avec solo, canon et contrepoint, une mise en scène minimaliste dans des décors coquets, on passe une très bonne soirée.
Et puis, le lendemain, on éprouve une sorte de sentiment de culpabilité stupide et un peu snob de s'être laissé berner par du théâtre à l'ancienne comme on l'aimait à la télévision les vendredis soir de notre insouciante jeunesse. On s'en veut d'être si peu capable de distanciation, de n'avoir pas la verve vacharde du spécialiste blasé dans la dissection objective et érudite d'un spectacle un brin suranné dont la contribution à la gloire des tréteaux est au fond presque aussi dérisoire que celle de Gad Elmaleh réalisateur à l'histoire du cinéma fait avec les pieds. Mais, comme on ne se sent pas forcément légitime dans la saillie scénographique, on imagine alors une revue de presse en forme de mise en pièces :
" Si vous aimez le théâtre de grand-papa, courez voir Sentiments Provisoires. Arditi et Berléand cabotinent comme aux plus sinistres heures de Jacques Charron et Jean Le Poulain, l'un dans son costume élimé de vieux beau cynique exaspérant, l'autre dans sa défroque usée de bougon naïf assommant. Les décors sont de Roger Hart et les costumes de Donald Cardwell, sortis du formol pour l'occasion. Quant à la mise en scène, elle vient tout droit d'un monde dans lequel Jean Vilar et Peter Brook n'auraient jamais vécus. S'il n'était la présence roborative de Sylvie Testud, inoubliable en junkie flamboyante dans son interprétation de Françoise Sagan, avec son physique bancal et son jeu décalé, ce spectacle serait largement dispensable. " Libération
" Comment peut-on en 2009 faire l'apologie des maisons de campagne et de l'adultère bourgeois parmi les bobos ? Sentiments Provisoires transpire la morgue des élites oisives aux angoisses existentielles pour les masses opprimées touchées de plein fouet par la crise de la finance pourrie. Le personnage joué par François Berléand, dont on comprend qu'il est enseignant, n'évoque à aucun moment les violences à l'école dont il a sûrement été témoin, voire victime, si l'on en juge par son état de nerfs et de stress qui fait également le quotidien des employés de France Télécom. On tenait là un vrai sujet de société que l'auteur a soigneusement éludé pour ne pas déplaire à la clique de droite qui tire les ficelles jusque dans des enceintes d'un autre siècle qu'on ferait mieux de transformer en Maisons du Peuple. " L'Humanité
" Quel plaisir de voir si bien décrits les plaisirs du feu qui crépite dans la cheminée et que l'on tisonne avec ardeur, des soirées à déguster du cognac V.S.O.P. au fond de transats moëlleux, des balades bucoliques en polo Lacoste, pantalon en tweed et mocassins Mephisto. Les protagonistes de Sentiments Provisoires évoluent dans une atmosphère feutrée très proche de la vie quotidienne des Français qui se lèvent tard et propice à des confidences intimes que l'on a encore le droit de ne pas réserver seulement à son psychanalyste. On regrettera malgré tout la banalité de la situation qui oppose deux quinquagénaires fringants pour le coeur d'une jeune femme de trente ans qui ne sait pas ce qu'elle veut. On aurait aimé un peu plus de recul par rapport à la vie de tous les jours. On suggérera enfin à Monsieur Arditi de boutonner sa chemise jusqu'au col pour ne pas donner une fois de plus l'image d'une gauche débraillée peu respectueuse de ceux qui payent sa retraite d'intermittent privilégié. " Le Figaro
" Quel match ! Le combat des chefs entre Pierre Arditi et François Berléand nous a tenu en haleine pendant 90 minutes. On aurait bien joué les prolongations tant il y a de l'intensité dans cet affrontement de haut niveau. On a pu observer quelques tacles à la carotide un peu limites mais les feintes d'Arditi face aux percées de Berléand sont dignes d'une finale des Molière. Si l'un et l'autre prennent l'avantage à tour de rôle, le dénouement est équitable et ne souffre pas la moindre contestation. D'autant que, dans le rôle de l'arbitre, Sandrine Testud, l'ancienne championne de tennis que l'on est heureux de revoir amaigrie sur un cours de théâtre, réussit un très bon début de saison malgré quelques revers. " L'Equipe
" Pour paraphraser Jean-Luc Godard, Sentiments Provisoires, c'est une histoire juste, c'est juste une histoire. Derrière le trio de la pièce, on aura évidemment reconnu Marianne Faithfull (Sylvie Testud), Mick Jagger (Pierre Arditi) et Brian Jones (François Berléand). Les histoires de cul des Rolling Stones à la sauce du théâtre de boulevard, il fallait oser. L'ambition était louable mais, au final, ça tombe à plat. L'idée d'avoir inventé un faux groupe, The Rabbits, clin d'oeil grossier aux Beatles, pour stigmatiser l'amitié véreuse des deux has been héros de la pièce, fonctionne d'autant moins que le jeu de scène est poussif et les arrangements vieillots. La pièce de trop. " Les Inrockuptibles
"Dans son écrin paisible aux tentures récemment rénovées par un artisan bien connu de la rue Caumartin, Gilbert Feutrine, le théâtre Edouard VII accueille la pièce que le tout Paris nous envie, Sentiments Provisoires. Interprétée par une pléïade d'acteurs remarquables, salués chaleureusement lors de la première par monsieur le Maire du 9e arrondissement, cette comédie de moeurs très enlevée a donné le sourire à notre très dynamique club du 3e Age, Les Papys Volants, dont certains ont l'âge des deux vedettes masculines. Les plus anciens ont particulièrement apprécié le confort des fauteuils si l'on en juge par les ronflements qui ont rythmé le deuxième acte. Le spectacle se joue encore jusqu'à la fin novembre, ne le manquez pas. Pour information, toute personne qui se présentera à l'entrée avec notre revue se verra offrir un kir royal à la buvette du théâtre." La Gazette du 9e
Sentiments Provisoires, de Gérald Aubert, avec Sylvie Testud, Pierre Arditi et François Berléand, mise en scène de Bernard Murat, au Théâtre Edouard VII (10 place Edouard VII - 75009 Paris - Location : 01 47 42 59 92), jusqu'au 29 novembre 2009.
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