Pour une « petite conne », combien de gros niqueurs ? Les retombées du nuage frontiste échappé des urnes après le séisme du premier tour des élections cantonales 2011, n’en finissent pas de contaminer nos aubes radiophoniques sans guère laisser présager la moindre odyssée.
Vendredi 25 mars, Europe1 et RTL ont envoyé… au front, dès potron-minet, leurs deux fantassins de la vanne gluante et de l’analyse spécieuse : Guy Carlier et Eric Zemmour (trompettes).
Dans un billet subtilement titré « Gros cons, Petite conne », Guy Carlier soigne ses épithètes pour régler son compte à sa consoeur de France Inter, Sophia Aram. À coup d’injure ad hominem, l’immigrée clandestine des ondes est renvoyée du club des commentateurs de souche, dans lequel le biographe de Nadine Morano aimerait tant voir être réintégré Stéphane Guillon, ce piètre ronéotypeur de dépêche AFP.
Le Frédéric Dard par alliance, spécialisé dans les retournements de veste et les actes de contrition dégoulinante, nous livre ensuite les secrets de sa correspondance. De ces missives attendrissantes écrites d’une main blanche par d’honnêtes citoyens déboussolés, il ressort que « monsieur le procureur, c’est pas ma faute si je suis passé directement d’un vote de gauche à un vote d’extrême droite sans même passer par la case Modem ».
Et qu’est-ce qui vous arrive donc, madame Mendès-France (c’est la référence citée par Guy Carlier, c’est dire si sa culture politique est grande) ? « J’ai besoin qu’on s’occupe de moi et, au moins, le FN me dit les mots que j’ai envie d’entendre, et tant pis si ça me coûte cher… », se fait l’écho l’ancien comptable, dans un pastiche saugrenu d’Anna Gavalda. Voilà, c’est tout. Pas un mot sur ces mots. Ni sur ces maux, d’ailleurs. Circulez, y a rien à comprendre.
Le cheminement de cette pensée empreinte de calino thérapie sur divan et censée expliquer la montée du Front national laisse pantois. Quels peuvent donc bien être ces mots que les déçus des partis traditionnels rêvent d’entendre prononcer ? « La France aux Français » ? « Rétablissement de la peine de mort » ? « Suppression de l’IVG » ? On n’en saura pas plus. Il faut se contenter de ce constat navrant. Il faut juste accepter l’idée que, plutôt que de se battre, de s’engager, de militer, le néo converti au vote brun attend une chose et une seule : qu’on lui murmure des obscénités à l’oreille pour mieux se rendormir. Chacun ses mœurs, après tout.
De son côté, dans un exercice de haute voltige pour sauver le soldat Claude Guéant, Eric fait du Zemmour. Et c’est pour ça qu’on le déteste ou qu’on le déteste (rayez la mention inutile).
« Les grands inquisiteurs du politiquement correct » sont évidemment convoqués dès la première phrase. L’innocent politologue du samedi soir peut ainsi dénoncer la torture insidieuse des « Torquemada de bacs à sable » (sic) dont serait victime le relaps du ministère de l’Intérieur. À partir de là, tout est permis.
Avec une obsession qui frise la maladie mentale, le reporter assis du Figaro affirme haut et fort que « …de nombreux Français fuient ces banlieues que leur départ transforme en ghettos ethniques… ». On ne prend même plus la précaution de préciser « Français de souche » ou « blancs », ni de suggérer que parmi ceux qui restent, les Français tout court sont encore nombreux, malgré leur provocante carnation non blafarde. Même pas peur, même pas mal. La parole est libérée. La rhétorique du Front national est digérée.
Alors, le Victor Hugo du jardin d’enfants se met à compter les immigrés parce qu’il n’a décidément rien d’autre à faire : 200 000 légaux entrent chaque année mais, faut pas me la faire, des qui profitent d’un regroupement familial ou d’un mariage, les fourbes ; auxquels il faut ajouter 50 000 clandestins (« au minimum »), que notre Jules Michelet hystérique ne parvient lui-même pas à attraper, occupé qu’il est à sautiller sur sa chaise en poussant de petits cris apeurés. Ce qui nous fait quand même la bagatelle de 250 000 personnes franchement louches capables d’en mettre en péril 60 millions d'autres, et leur culture et leur civilisation avec, les nuls.
Dès lors, la démonstration étant faite, la conclusion tombe, péremptoire et sans appel : « …ce flux ininterrompu aggrave sans fin les tourments d’une société pervertie par le relativisme de ses élites… ». Ils sont partout, ils sont protégés par les puissants, ils menacent notre nation.
Un bien belle matinée, chers auditeurs.