Les Lundis de Fulgurances - Saison 1 Episode 5
Photos : Laurent Vanparys (gastros on tour)
« Je sais qu’il ira très haut, qu’il deviendra quelqu’un qui compte dans le monde de la gastronomie. J’ai confiance en lui, j’ai confiance en moi. Nous partageons la même philosophie, la même vision du monde. » Quand Vilhjalmur Sigurdarson (photo), second de Kobe Desramault, parle du chef du restaurant In De Wulf, à Dranouter (Belgique), le concept des « Lundis de Fulgurances » prend tout son sens.
« Les Seconds seront les Premiers », telle est la profession de foi d’une manifestation créée par deux jeunes gastronomes culottés, Sophie Cornibert et Hugo Hivernat. Aucune tentative de putsch derrière ce slogan, mais une vraie révolution des palais pour les commensaux privilégiés de ces dîners uniques.
Le lundi 9 mai 2011, au Kitchen Studio (photo) de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), ils recevaient donc Vilhja…, enfin Willy, quoi. Un surnom qui ne doit rien au redoutable mari de Colette. D’ailleurs, aux « Lundis de Fulgurances », on ne plagie pas, on ne pille pas, on n’usurpe pas. On vient au contraire affirmer sa singularité, pétri de ses influences et fier de ses compagnonnages. Willy a hésité. Pas par coquetterie. Chez lui, la réflexion précède l’action. Mais quand il tope, c’est pour du bon. Carte blanche, menu mystère, en route pour une expérience culinaire sans concession.
On y était, c’est dire si on peut en parler. On pourrait détailler chacun des sept plats servis ce soir-là pour faire saliver le lecteur frustré d’avoir raté ça. On insistera plutôt sur la cohérence de l’inspiration de Willy, enfant d’Islande, ce tout petit pays de 300 000 âmes, fameux pour ses sagas épiques, ses geysers jaillissants, ses volcans éruptifs et ses chanteuses qui sont tout ça à la fois. Île à la dérive mais de grande culture où une langue en apparence archaïque, héritée du vieux norrois commun à tous les peuples scandinaves, s’invente chaque jour en fermant ses frontières à l’immigration lexicale. Porte d’embarquement pour un « Voyage au Centre de la Terre », selon Jules Verne. Nous y voilà.
Tout là-haut, on ne connaît que deux saisons, l’automne et l’hiver. Le soleil y prend de courtes vacances, jamais plus de quinze jours, il a du boulot ailleurs. Rien ne pousse, tout se conserve. Dans le sel, le vinaigre. Alors, Willy marine le maquereau, crame le poireau, torture l’asperge au chalumeau et acidule l’oignon. La betterave a les pieds crottés et le fromage de biquette sent sous les aisselles. Aucune pitié pour le chevreau qui n’attendrit que le risotto des champs réhaussé de céleri sur lequel il git.
En croquant dans une fraise des bois ensevelie sous le cacao et arrosée d’un coruscant Montepulciano d’Abruzzo (Torre dei Beati), choisi à propos par Pietro, le patron de la Retro Bottega (12 rue Saint-Bernard, 75011 Paris), on se dit que cet infernal Willy le Rouge est décidément un grand pécheur d'Islande et qu'on a été plutôt bien loti.
Prochain épisode des Lundis de Fulgurances, le 20 juin aux Subsistances (8 bis, quai Saint-Vincent), à Lyon, avec Laurent Cabut, second d'Inaki Aizpitarte (Le Châteaubriand), et le maestro Andrea Petrini, grand prêtre de la secte des hédonistes chauves en costume pied de poule.
Réservation à partir du 16 mai, 12h, sur www.fulgurances.com.
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