Nous partîmes cinq, mais par de prompts désistements, nous nous vîmes trois puis deux en arrivant au port. Du 13 au 15 juillet, j’ai participé à un triathlon en trois jours et trois tables. Agapè Substance, Septime et La Grenouillère. J’ai fini deuxième derrière Laurent Vanparys, sans qui tout cela ne serait jamais arrivé. Un exploit en soi. Chronique gastronomico-sportive.
Troisième jour : Saut dans l’espace
Départ 9h30 pour 2h30 d’asphalte, plein nord. Destination Montreuil-sur-mer. Là, au rond point, on rate la direction La Madelaine-sous-Montreuil. « Si possible, faites demi-tour. » Oui, oui. Un virage en dévers sur la droite, une petite route bordée de cottages que l’on devine exquis. Des bas-côtés enherbés tondus à l’anglaise. On cherche le club house et le départ du trou n°1. No way. Si Azincourt n’est qu’à un trait de long bow et si les Grands Bretons font facilement l’aller-retour en ferry, nous ne sommes ni chez sa gracieuse majesté ni sur un parcours links régi par le Royal & Ancient. C’est une auberge, une vraie. La Grenouillère, chez les Gauthier, fils et père, depuis plus de 30 ans. Ici, c’est picard, mais pas surgelé. Les murs sont chaulés de blanc. Il y a des arbres, des hortensias, des herbes aromatiques, une rivière et des échassiers. Au fond du jardin, il y a même des huttes pour dormir sur le do(s). Dans l’entrée, il y a le papier peint de chez ma grand-mère. Au salon, il y a des grenouilles en smoking et robe du soir, peintes aux murs ou chinables aux puces de Montreuil. L’autre.
Mais, en y regardant de plus près, il y a aussi, là derrière, un curieux édifice anthracite, entre forge et chapelle scandinave. On le comprendra plus tard, c’est un vaisseau intergalactique. À deux modules. L’un abrite une vaste cuisine ouverte, formidable outil de travail pour un extraterrestre, Alexandre Gauthier. L’autre héberge une salle à manger pour des voyages sensoriels. L’architecte ne s’appelle pas Terry Gilliam mais Patrick Bouchain. C’est le Bouchain coin, en Somme. Les tables ont la forme de palettes de peintre et sont recouvertes de cuir clair, comme les fauteuils. Ca sent l’écritoire et les bottines sur mesure, l'huile de lin et l'écurie. En l’air, un nid de serpents d’acier aux yeux de LED. Autour, des baies vitrées, vue sur mère nature.
Arrive le premier bol. Tartare de bar et lamelles de nectarines comme ventousées à la paroi, aromatisés de cendre et de grains de sel. Zorglub ! Ça y est. Tel un vulgaire frère Bogdanoff, on est kidnappé par un être venu d’ailleurs. Un ravisseur. Un ravissement. Au long de 18 services, le charme ne sera jamais rompu. Alexandre Gauthier sait rassurer (homard cuit dans un buisson ardent de genièvre, pattes de grenouilles meunière, vachette persillée aux truffes) pour mieux surprendre (énorme huître chaude courgette, coussin de chanvre polenta, crème glacée d’oseille en sphère sucrée, concombre confit). Lorsqu’il ôte sa défroque de chamane martien, l’homme est affable et sans langue de bois. Humain plus qu’humain. Le piège se referme, on reviendra pour un nouvel embarquement. 5, 4, 3, 2, 1, 0. Ignition.
La Grenouillère
La Madelaine-sous-Montreuil
61170 Montreuil-sur-Mer
Tél. : 03 21 06 07 22
www.lagrenouillere.fr
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