Nous partîmes cinq, mais par de prompts désistements, nous nous vîmes trois puis deux en arrivant au port. Du 13 au 15 juillet, j’ai participé à un triathlon en trois jours et trois tables. Agapè Substance, Septime et La Grenouillère. J’ai fini deuxième derrière Laurent Vanparys, sans qui rien de tout cela ne serait arrivé. Un exploit en soi. Chronique gastronomico-sportive.
Deuxième jour : Saut de puce
Retour chez Bertrand Grébaut, l’homme qui attrapa l’étoile pour l’Agapè originel. Et ça commence par une confidence. La première fois que j’ai franchi le seuil de chez Septime, ce grand restaurant, j’ai baissé les yeux. Ni par crainte ni par humilité. Parce que le motif du carrelage est rigoureusement identique à celui de ma propre salle à manger. À une nuance près, tout en couleurs chez moi, il est ici en partie monochrome. Je n’en tire aucune conclusion, c’est juste pour dire. Ça continue par une évidence. Du sol au plafond, je suis chez lui comme chez moi. Si je n’étais pas aussi misanthrope, j’inviterais bien tous ses commensaux sur mon carrelage. Inutile, tout le monde semble ici chez soi, donc chez moi. Le lecteur que je n’aurai pas perdu en route pourra objecter que faire un voyage plus ou moins long pour se retrouver à la maison, c’est un peu comme tourner en rond.
Rue de Charonne, l’effet produit est tout autre. Centrifuge et centripète à la fois. Le sentiment qui domine est comme qui dirait amniotique. On est au chaud, en confiance, cajolé et bien nourri. Les produits sont traités avec respect, eux aussi. C’est brut sans être brutal, ça flatte le regard sans taper à l’œil, ça excite les papilles sans abolir les repères. Dans un décor de bois, verre et métal, on fait connaissance avec des tomates de toutes les couleurs mises à l’amande, de la mozzarella rebelle qui fume dans un lieu public, une huître qui fait des perles de vert, un œuf qui flotte sur un radeau de champignons, des gnocchetti qui fondent sous des pétales de fleurs.
La carte des vins se moque de la crise et fait plus pour la Grèce (domaine Sklavos en Céphalonie) ou l’Italie (pinot gris de Dario Princic) que tous les banquiers avaricieux. Le service est taquin, sous l’œil laser du chef, affairé derrière son comptoir mais qui scrute la moindre réaction de l’assistance pourtant souriante comme rarement ailleurs. Après une « carte blanche de 22h » et de 10 services, Bertrand Grébaut, Montreuillais pur jus, ascendant Kourtrajmé, sirote avec nous un verre de Chitry. Vini Viti Vinci. Ca goûte bien, comme dirait Jean-Pierre Robinot.
Septime
88, rue de Charonne 75012 Paris
Tél. : 01 43 67 38 29
www.septime.fr
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