Yann Moix est un chenapan.
C’est ainsi qu’il est apparu en 1996 avec un coup d'essai, Jubilations
vers le ciel (Grasset), récompensé par le Goncourt du premier roman et le Prix
François Mauriac de l’Académie Française. A 28 ans, il avait déjà tout lu, tout
compris, tout décortiqué. Arrogant et névrosé comme un adulte trop lucide ou
comme un enfant à qui rien (donc tout) ne peut arriver. Une sorte de petit
cousin fréquentable de Marc-Edouard Nabe
Après avoir trimballé son
esprit vif et analytique mais aussi sa béance affective et ses obsessions
sexuelles (textuelles) entre littérature, télévision, presse et cinéma, il
revient 13 ans plus tard, avec une sorte d’objet littéraire non identifié,
entre récit et essai, pamphlet et document : Cinquante ans dans la
peau de Michael Jackson (Grasset). Comme un résumé de ses épisodes précédents
Le « Pays de Jamais »
Réagissant violemment à un
éditorial délirant de Christophe Barbier, directeur de la rédaction de
L’Express, au moment de la mort de Michael Jackson, l’éditorialiste du Figaro Littéraire
compose sur 170 pages une ode à l’enfance, ce « Pays de
Jamais » (Neverland, la résidence de MJ) « …que vous ne
trouverez jamais, même en le cherchant bien – parce que (…) vous êtes
incapables, tous autant que vous êtes, d’y retourner. » Ce pays où
« ne peuvent, donc, (y) retourner que ceux qui ne peuvent s’en
échapper ». En prime, page 69 (je ne l’invente pas), une définition d’une
justesse terrifiante : « L’enfance n’est pas la version enchantée du
monde adulte ; l’enfance n’est pas un territoire sans danger, sans
précipices, sans terreurs, sans effrois, sans cruautés, méchancetés, sadismes
en tout genre. L’enfance n’est pas une version aseptisée de ce qui nous "attend" plus tard »
Le ridicule n’a pas tué MJ
Avec un sens joyeux de la formule qui fait mouche (du coche), une verve lacanienne où chaque mot apporte de l’eau au moulin qui alimente sa fontaine de jouvence, un art consommé du syllogisme capillotracté, une mauvaise foi et un aplomb roboratifs, il dévide sa pelote tel un chat gourmand indomptable et généreux. Ecrit en 27 heures (3h par jour pendant 9 jours, raconte déjà la légende), à Brasilia, entre deux caïpirinhas, on l'imagine, ce plaidoyer pro domo regorge de trouvailles linguistico-métaphysiques que l’on ne peut que détester ou adorer.
Yann Moix prend d’ailleurs bien soin de désamorcer ontologiquement
toute contestation dogmatique en donnant au passage une petite leçon de
journalisme : « (…) il y a toujours moyen d’être unique dans
l’analyse d’un fait, il y a toujours moyen d’être original (cela passe
d’ailleurs par la volonté de ne pas chercher absolument à l’être) – c’est de
réfléchir par soi-même, bien sûr, mais surtout pour soi-même »,
« sans crainte du moindre ridicule », « sans filet, sans
complexe, sans peur de la bêtise, de la bévue, du contresens, à
l’aventure ». CQFD
Jubilation vers le ciel
Mais quand il nous
explique l’impossibilité absolue pour Michael Jackson d’être le pédophile
décrit par Christophe Barbier, on a envie de le croire : « Le
pédophile, c’est un espion, qui vient prendre des renseignements sur l’enfance,
non pour l’infiltrer, se fondre dedans, mais pour la casser, la faire cesser,
l’interrompre. Michael Jackson était un continuateur d’enfance ; Marc
Dutroux était un interrupteur d’enfance. »
Quand il stigmatise les
parc d’attraction, on a envie de le suivre : « Les parcs
d’attraction, qui portent très bien leurs noms, sont les entreprises les plus
cyniques du monde moderne. (…) Aucune entreprise humaine ne trahit une aussi
grande distorsion entre l’effet proposé (un monde merveilleux où l’argent
n’existe pas) et l’effet recherché (accumuler le plus d’argent possible).
Infiniment opposées, selon une vertigineuse symétrie, la promesse d’un pays
d’innocence vendu comme tel, et la gueule affreuse des coulisses gérées par des
financiers sans pitié. »
On pourrait multiplier les citations, sur l’« adultisation » des enfants, sur le messianisme jacksonien, sur le sexe qui « n’attend pas » et « nous empêche de faire tant de choses », on préférera renvoyer les plus curieux à la lecture de ce petit ouvrage qui est, lui aussi, en hommage à MJ, comme une jubilation vers le ciel.
Cinquante ans dans la peau de Michael Jackson (Grasset), de Yann Moix, 12,90 €
C'est bien trop complaisant ! Moix est vide et ne sait pas écrire, symptôme parasite de son époque.
Rédigé par : Pierre Chalmin | 20 mai 2010 à 10:37
J'ai du mal à savoir si tu as adoré ou détesté.
Rédigé par : Véro | 12 mars 2010 à 15:54